Ce vendredi 06 juin 2025, se tenait notre dernier stage de l’année scolaire 2024-2025 sur le thème de l’EPS et des arts.

François Potdevin :

La première intervention de la matinée était celle de François Potdevin, initialement maître-nageur, devenu professeur d’EPS en collège et désormais professeur des universités en STAPS à Lille. Dédiée à l’engagement dans l’activité, la conférence avait pour mission de montrer que tout se joue dès l’école primaire.

Le cadre institutionnel est d’emblée posé : L’EPS est enseignée par des généralistes, nous avons 3 heures hebdomadaires auxquelles s’ajoute ce défi des 30 minutes d’APQ. De leur côté, les programmes sont pour le moins indigestes et la formation, comme beaucoup d’autres domaines, est déficitaire. Le flou sémantique est aussi entretenu : « sport », « EPS », « activités physiques ».

Mais finalement, pourquoi certains PE arrivent à mener leurs séances de sport quoi qu’il arrive et d’autres s’en débarrassent ? On peut toujours prétendre manque de temps mais En a-t-on eu une expérience positive lorsque nous étions nous-mêmes enfants ? Certains ont détesté être choisis en dernier, faire l’évaluation devant tout le monde, s’exposant ainsi aux railleries. Les relations aux finalités de l’activité sportive sont variées : on peut se comparer aux autres, comparer son temps par rapport à une session précédente, comparer son engagement et se prouver qu’on est allé au bout.

Le cadre théorique, celui de la littératie physique, pourrait devenir une boussole intéressante. L’engagement est défini simplement, comme le lien qui unit un individu à ses actes (physiques ici). Plus on comprend ce lien, mieux on peut le renforcer.

Le propos prend ensuite un regard historique sur le temps long. On porte le poids de notre évolution. Les premiers hominidés avaient une posture verticale dominante, se déplaçant 20 kms par jour, pour chasser et cueillir. Après la sédentarisation, le parcours des 20 kms a disparu mais il en est resté du travail physique jusqu’à il y a environ 50 ou 100 ans. L’industrialisation récente (qui en a mis première couche) puis la vie numérique (qui en a rajouté une deuxième couche) fait que notre corps ne s’est pas habitué à un tel déficit d’activité d’où l’apparition du diabète et des problèmes cardio-vasculaires. L’être humain stocke son surplus alimentaire, ce que l’on ne retrouve pas chez les singes (jamais obèses ou avec du diabète) malgré la grande proximité génétique.

Le taux d’enfants obèses (quand l’IMC passe au-delà de 30) a été multiplié par 2 sur les 30 dernières années. Le risque d’infarctus est très élevé dès 25-30 ans et le diabète de type 2 arrive à 15 ans. Les décès liés à l’inactivité physique sont supérieurs au tabac. En épidémiologie, on voit un lien entre le déclenchement d’une activité physique et la chute du risque. Pour les enfants, il faut 60 minutes par jour. Il n’y a pas de risque zéro mais on peut enlever 20 % de risque d’emblée, on peut diminuer encore après mais après il y a asymptote. Et on ne peut pas compenser en rattrapant le lendemain ou le surlendemain ! Dans 10 ans, il y aura sans doute 1 milliard d’obèses : les moyens dédiés pour les soigner seraient économisés en investissant dans le sport. Les suivis de cohortes sur 20, 30, voire 40 ans révèlent que ceux qui sont actifs enfant ont de grande chance de le rester adulte.

De ce fait, pourquoi l’activité physique n’est pas si fondamentale à l’école ? Pourquoi seulement 30 minutes d’APQ finalement si on sait que les bénéfices sont à 60 ? L’école ne peut pas tout, on peut imaginer trouver le complément par les familles mais ce n’est pas toujours aussi simple.

Le focus est mis sur les « transitions de vie ». Deux sont majeures :
– Celle de l’entrée au collège : des CM2 en juin débordent d’énergie alors que des 6èmes au de mois septembre voient leur activité chuter violemment du fait des levers plus tôt, des trajets en bus et du regard des plus grands qui voient d’un œil moqueur leurs jeux de récréation.
– Celle de la fin du lycée et de l’arrivée vers la vie active et les études : les 2 heures au lycée sont le dernier garde-fou.

Pourtant, plus on met d’EPS dans les pratiques, plus les notes montent, plus la capacité d’attention monte, plus les relations humaines s’améliorent…

Comment faire alors pratiquer le sport petit pour que ça soit durable ?
– Par la prescription et l’obligation ? Mais quelle durée donner à cette prescription ? L’expérience montre que, dès la fin de la prescription, les individus s’arrêtent.
– Par le « coaching », via des tests de conditions physiques ? Cela pourrait arriver en 6ème, ce n’est pas encore le cas. Le résultat serait assurément mauvais. On peut proposer des programmes de coaching mais l’enseignant n’est pas un préparateur physique.
– Par la sensibilisation aux bénéfices, en exposer l’intérêt, et par la peur des conséquences.

Au départ, l’activité physique est définie par un critère calorifique : c’est l’énergie dépensée par les muscles lors du mouvement. On peut y mettre des seuils : légère, modérée, intense. Une unité spécifique est utilisée, le MET (« metabolism equivalent of tesk »). La sédentarité c’est le fait d’être assis. Plus de 7 heures de posture assise par jour amène à la sédentarité. Les heures qui s’enchainent comptent plus. La marche redémarre la machine. D’où l’intérêt de mettre en place des « pauses actives », encore faut-il pouvoir les gérer pédagogiquement…

Du point de vue géographique, la situation mondiale montre que 85 % des adolescents français sont inactifs, c’est pire encore chez les filles. Cela est ancré dès l’enfance, dès 7-8 ans. Il y a une corrélation avec l’IPS : plus le contexte est défavorisé, plus cette inactivité est criante.

Il faudrait arriver à ce que la motricité devienne une compétence fondamentale, une « life skill » ; enrichir son répertoire moteur, faire qu’il soit varié.

Le modèle de la littératie physique (Margareth Whitehead) pour éduquer à l’activité physique évoque la nécessité d’avoir des compétences motrices, psychologiques pour s’engager dans l’activité physique toute sa vie. Ce concept philosophique devient scientifique à partir des années 2000 puisqu’on en a évalué les critères. Plus le niveau de littératie physique augmente, plus l’activité physique augmente, plus le niveau de littératie physique augmente à son tour…il y a là un véritable cercle vertueux.

Les programmes à venir vont dans ce sens mais ne nomment pas cela « littératie physique » (pour ne pas forcément promouvoir ce concept).

Des tests dans les classes sont possibles comme le « Dragon challenge » (Tyler, 2018). Le travail avec les clubs et associations sont possibles (comme le LUC), structures plus faciles à mobiliser que l’Education Nationale.

Il y a donc un énorme enjeu à faire en sorte que toute la classe vive une expérience positive dans le cadre de moments d’activité(s) physique(s).

En complément des travaux de François Potdevin, on pourra également se documenter auprès de ceux de François Carré.

Emilie Jankowiak :

Revigorés par les propos théoriques, les stagiaires ne demandaient qu’à se mettre en activité. Aussi l’intervention d’Emilie Jankowiak, professeur d’EPS au lycée du Hainaut à Valenciennes, arrivait à point nommé.

A partir d’une activité visant à « faire des exploits avec un ballon de baudruche », la salle a pu expérimenter par tranches de 30 secondes de musique, la variation de multiples paramètres : les zones du corps, la puissance de lancer, l’interpellation d’un spectateur, le démarrage et/ou la fin en statue…

De nombreuses combinaisons sur cette heure de test qui peuvent aisément se mettre en œuvre autour d’une bonne dizaine de séances en cycle 1.

A retrouver sur le site de la revue EPS :

Isabelle de Peretti :

La première intervention de l’après-midi était celle d’Isabelle de Peretti qui a été professeur en lycée en région parisienne avant d’intégrer le supérieur et l’INSPE de l’académie de Lille en tant que professeur en langue et littérature françaises.

Les résultats de deux recherches (2009-2015 et une en cours depuis 2022) constituent l’appui de l’intervention.

Le cadre théorique mobilisé croisait quatre entrées : l’éducation par l’art, l’esthétique, l’approche multisensorielle ; la didactique de la littérature et le sujet lecteur ; la didactique du théâtre (lecteur, scripteur, acteur, dramaturge, spectateur) ; l’approche socioculturelle (variation des corpus selon les contextes).

La didactique du théâtre propose, elle, trois régimes de lecture : lecture du texte dramatique (parfois sans qu’on ne joue la pièce), lecture scénique, lecture dramaturgique.

L’activité théâtrale est composée de la lecture, du jeu et de la réception du spectacle.
Le théâtre contemporain de jeunesse est peu connu, déroutant et marqué par « l’hybridité générique » (conte, poésie, théâtre), c’est contrastant avec les pièces classiques. Mais son oralité est proche de la culture des élèves et son écriture peut être très poétique, très ludique. Ce répertoire contemporain demeure peu exploité à l’école primaire. Citons « Le petit chaperon UF », « la jeune fille, le diable et le moulin », « l’ogrelet »…

La présence du théâtre à l’école est notable depuis 2002 en primaire, au collège depuis 2009, au lycée depuis 2001. On trouve aussi des références au théâtre dans les documents d’accompagnement, dans le socle commun…mais l’enthousiasme des programmes de 2002 où la littérature avait un poids important est hélas aujourd’hui retombé.

Le lien a pu être fait avec la matinée en EPS puisque l’on apprend dans l’action, l’hypothèse centrale des recherches étant que le théâtre fait progresser les compétences scolaires en général. De manière plus fine, sur une autre hypothèse, en quoi le théâtre peut aider à une meilleure prise en compte des élèves à BEP ?

Malgré quelques bâtons dans les roues pour faire passer les enquêtes (rectrice, DASEN, IEN, chefs d’établissement…ce qui corrobore la remarque de François Potdevin sur les enquêtes en EPS), les réponses ont tout de même été de 200.

Le protocole s’est articulé entre un choix libre de texte par l’enseignant volontaire, des prétests, une séquence à mener puis des post tests. Ce sont 12 pièces ont été choisies (contes, fables et mythologie) dont l’Ogrelet (4 fois).

Les activités proposées étaient variées : lecture à la table, remise en ordre d’extraits, lecture des didascalies, écriture du journal d’un personnage, structuration des grandes caractéristiques de l’écriture théâtrale canonique. Il y eut aussi des mimes, de l’improvisation, une sélection de répliques significatives, un cercle de profération.

Dans les travaux d’écriture (écrire la suite, oraliser puis réécrire en corrigeant, en enrichissant), les élèves ont été un peu déstabilisés mais ont trouvé des stratégies plus intuitives pour arriver à combler les blancs d’un texte.

Lors des post tests, il y a eu des progrès dans les inférences logiques, des progrès plus importants chez les élèves les plus faibles.

Les élèves ont apprécié le côté « salade de contes » qui fusionne différents contes : retrouver ce qu’on aime mais en même temps avec un peu de déstabilisation des habitudes (à partir de « Ohlala quelle histoire ! »). Ils ont aussi apprécié les scènes d’action, d’aventure, la présence d’épreuves (à partir de « l’Ogrelet »).

Le rôle du jeu est central pour aller vers une réconciliation avec la lecture pour les élèves en difficulté orale. On se « jette » dans la lecture car quelqu’un attend mon texte pour qu’il puisse, à son tour, agir.

Les résultats finaux montrent une inscription du théâtre dans une progression, souvent via une dimension interdisciplinaire des arts, une diversité forte des activités, une actualisation des textes pour faciliter l’appropriation, une inclusion des élèves BEP faite de façon unanime et une intégration de tout le monde, une importance des spectacles de fin d’année (stimulation) pour jouer devant un public (aller dans une autre classe, devant les familles…).

En conclusion, on retiendra la richesse incontestable de l’activité théâtrale, laquelle peut amener un bouleversement des hiérarchies (citation de Eric Ruf) où des défauts peuvent devenir des qualités. Une pièce peut susciter le goût de la lecture, de la prise de parole, de la volonté de mieux s’intégrer au groupe (ce qui fait de plus en plus cruellement défaut avec des politiques visant l’individualisation des apprentissages et leur évaluation).

Marie Demarcq :

Là encore, après ces apports théoriques, les stagiaires ont été invités à se mettre en activité, non sur du théâtre mais sur des arts visuels. Marie Demarcq, conseillère pédagogique en arts sur le bassin de Roubaix-Tourcoing, leur a permis ce moment créatif autour de l’œuvre « Le champ de fleurs » de Hervé Thulet mais également de « la table du banquet ».

Adaptables à tous niveaux, ces activités collaboratives ont fonctionné par le jeu de consignes à accumulation et d’une rotation des participants sur les feuilles dédiées.

L’intérêt majeur est de mettre tout le monde en action, d’atténuer par la force du collectif les risques de voir des manques d’engagement (« Mais moi, je ne sais pas dessiner ! ») ou des décalages de temporalité (« Madame, j’ai fini ! ») avec notamment la possibilité de revenir sur l’œuvre l’autre d’une autre session.

L’activité s’est clôturée par un temps d’observation et de commentaires sur sa propre œuvre et sur celle des autres.

De retour en configuration conférence, les stagiaires ont pu prendre quelques compléments théoriques avec rappel de la formule « SMOG » (support, média, outil, geste, quatre paramètres à faire varier lorsque l’on effectue une création plastique) ; d’autres pistes d’idées (un mandala collectif fonctionnant sur le même principe mais à partir d’un départ central ou alors une création mais cette fois murale).

L’après-midi s’est terminée par une présentation du site « 100 % ressources EAC du Nord » (et notamment la vidéo « Pourquoi les arts sont fondamentaux ») et donc par une définition très engagée de Marie Demarcq justement sur ce qui qu’est un « fondamental » : c’est vivre ensemble, faire des choix, tenir compte de contraintes, avoir des intentionnalité, croiser les cultures, développer la curiosité, avoir d’autres façons de penser, accepter la différence, renforcer l’empathie et le respect mutuel. Bref, autant de valeurs que nous défendons !

Retour sur le stage «EPS/Arts» du 06/06/2025

Retour sur le stage «EPS/Arts» du 06/06/2025